Une soirée privée des beaux quartiers, quand j’arrive, Rob est déjà à l’œuvre, derrière les platines. Un loft, enfin, plus que ça. Plutôt un petit atelier en brique avec une double hauteur de plafond, qu’on aurait éclairci de larges fenêtres, un étage mezzanine (deux fois mon appart). Beaucoup de happy fews, des artistes plus ou moins lose vu les dégaines (un vieux par-dessus Saint-Laurent sur un Levis irregular, des Nokia à 1 euro). Rob m’envoie des œillades de braise. L’ambiance est à ses prémisses, mais plutôt prometteuse. Je navigue dans tout ça comme si je marchais sur l’eau avec l’assurance que je retourne dans mon cocon divin dans deux minutes. Une fille d’une vingtaine d’années, complètement déjantée, m’entretient du bonheur de sa récente maternité (avec ses yeux de camée et sa dégaine d’anorexique, elle a l’air aussi maternel qu’une actrice porno en action). Une autre, sûrement attirée par le tintinnabulement des ovaires de la première, nous apporte sa contribution: elle sera mère dans sept mois. D’ailleurs, ne l’est-elle pas déjà, roucoule-t-elle en sifflant sa vodka. A la rescousse : un « assistant réaaaallll » look Keith Richards, lunettes de soleil, cheveux poivre et sel, pantalon cigarette sur boots à talons biseauté, veste en cuir sur T-shirt « Rock it, babe ». J’en profite pour me détourner du pole matriciel, je l’allume un peu pour le plaisir, il la joue blasée mais quand même complice. Genre : ces soirées bobos, ces connasses qui ne pensent qu’à pondre, cette musique électronique de merde.
Je pense: «Baiser avec n’importe qui, c’est une manière de chaque fois donner une chance à l’humanité.» Fallait vraiment que je sois secouée pour penser des trucs comme ça.
Je pense : C’est tellement bon de savoir qu’on ne va pas rentrer seule.
Et: Y en a qui méritent pas qu’on la leur donne, leur chance.
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