Aurélie fait ses premiers pas en rédaction. Cette fille, du haut de ses 22 ans, a décidé que le monde serait un jour à ses pieds – mais n’a-t-on pas tous pris ce genre de décision un jour ou l’autre ? Carole la gouinasse a percé depuis longtemps la fausseté de ses airs timorées. Peut-être même qu’il y a déjà quelque chose entre elles – pas de preuve dans ce sens, cependant.
Extrait des propositions d’Aurélie pour le sexe-test du numéro de janvier (censé pimenter la déprime post-fêtes), qui nous a déclenché un fou rire, à Béa et moi, en pleine conf.
Je cite de tête:
«Il m'arrive de simuler mon plaisir pour en finir au plus vite
La masturbation, je dis pas non
Il m’a déjà fait des propositions qui m’ont fait rougir
Je réprime mes pensées érotiques
Il est bête, mais je l'aime
Le sexe, tout le temps, à toutes occasions
Le cunnilingus est meilleur accompagné de la pénétration d’un sextoy
Il m'est arrivé de désirer sans sentiment»
Explications: cette petite cochonne, la faute à son jeune âge, a du mal à prendre de la distance avec sa propre expérience. Pour elle, tout ce qui porte jupe concourt forcément pour les catégories Petite Salope, Salope, Chaudasse. Le profil de la lectrice lambda (25-30 ans, célibataire ou en couple, sans enfant, urbaine, classe moyenne à supérieure, fashion victim, et qui rêve de partouze tout en refusant l’étroit passage à son jules) lui est à peu près aussi familier que les mille et une manières de cuisiner le poisson en Arctique.
Carole, qui ne peut pas regarder Aurélie sans surchauffer, n’a visiblement pas envisagé un instant qu’elle n’avait qu’un petit pois dans le crâne. Un gentil petit pois, très sexy, et même d’après ce que j’ai compris, pour moitié consacré au cul (l’autre moitié à sa carrière ?) – mais tout ça ne laisse pas beaucoup de place au minimum nécessaire pour être capable d’écrire des putains de tests à la con, particulièrement quand notre propre mag en produit par pelletées et qu’il n’y a qu’à pomC/pomV.
C’est con: en même temps, ça m’embête de rigoler d’Aurélie. Merde, ça remonte pas à si loin la dernière soirée qu’on a faite ensemble. Je crois même que c’était y a pas un mois la dernière fois qu’on s’est retrouvées en soirée sur le même mec.
Déjeuner en coup de vent (comme d’hab), avec Chloé. Macrobio: plancton, carottes nouvelles et ouies d’un poisson certifié. Le tout dans une sorte de clinique sur la porte de laquelle on a écrit en tout petit « Restauration diététisme». Comprenez: «Vous entrez ici dans un art minimaliste»
Chloé, chemisier Prada crème à mini-jabot, jean Melting Pot, escarpins Burberry vert jaguar vernis (à mourir, les escarpins), et besace en cuir souple Isabel Marant, plus pâle que jamais. Elle assure qu’elle s’est calmée avec la coke, que c’est sa récente promotion à la rédaction en chef Mode de Fashion qui la met sur les rotules. « Juste le temps d’avoir les rennes bien en main », assure-t-elle entre deux tomates cerise. D’ailleurs, elle a déjà « remercié » trois pigistes depuis qu’elle est en poste. «Dès qu’il y a une ouverture, je te fais signe», promet-elle les deux index tendus vers moi, comme nous nous quittons devant le restau. J’espère bien, Chloé, avec toutes ces copies que tu as pompées sur moi au CFJ, ces dossiers auxquels tu t’es contentée de rajouter ton nom, ce ne serait que justice, non? Espérons juste que tu seras un peu plus influente maintenant que tu es à ce poste.
Dix minutes sous la flotte, pas de taxi à la tête de station. Il y en a un qui s’arrête, mais non, il me laisse plantée là. De quoi entretenir mon répertoire d’insultes.
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