samedi

17/02/2003

19h54

Happy birthday to me.
Va savoir pourquoi, Lex m’a laissé un message.
Va savoir pourquoi, je l’ai effacé par inadvertance (vraiment).
Va savoir pourquoi, j’ai l’impression d’avoir fini un tour du monde en solitaire à la rame.

Etrange rêve que celui de cette nuit. Des images incrustées pour longtemps, celle de ma propre personne gisant (un corps blanc comme du carrelage de collectivité, des cernes bouffant l’éventuelle tranquillité post-mortem).
On dit qu’on ne se voit pas dans les rêves. Peut-être cela vaut-il mieux, en effet.

Cet épisode pourrait s’intituler: «Un samedi soir de Louise-Nathalie dans le monde parisien.»
Ou encore : Mille et une façon de s’oublier pour mieux se retrouver.
Tout commence en soirée par un texto de Nico: Tu as 60 min pour être top sexy.
Je reconnais bien là mon Nico, surgissant de nulle part avec un plan pression, excitant au possible.
Pas un instant à perdre, je saute dans ma salle de bains. J’en ressors dans les temps (une seule tergiversation en début de parcours, accord look/mood devant le miroir en pied – une aussi sur la couleur de l’ombre à paupières). Au finish: jupe Alexander McQueen longue largement fendue derrière (kdo des filles du mag pour ma promo), top décolleté moulant Agnès B laissant apparaître une partie de mon octopussy, cheveux plaqués à la garçonne, ballerines Marc. Confort pour aller jusqu’au bout de la nuit.
Parce que je connais Nico.
Parce que j’avais cette envie de grosse fête.
Parce qu’avec mes Marc, je peux tout.

La soirée démarre en famille chez Mathias. Une vingtaine de personnes dans son duplex des hauteurs de Montmartre (Mathias est un inconditionnel des clichés parisiens). Des hommes, des hommes, des hommes, forcément, mais aussi Mama, une Black sublime qui «s’occupe» de Mathias, d’un franc-parler aussi généreux que sa cuisine et son punch. Va pour le punch. Au sein de l’ambiance feutrée – techno-jazz par un de ces petits DJ qu’on retrouvera dans tous les festivals in d’ici un an, danseur en ombres chinoises pour la déco, s’insinuent les vibes des débuts de bonnes soirées. Tout le monde a l’air de vouloir s’accorder, amabilité, drague (entre eux), compliments (même pour Mama et moi).
On grignote des sushis, des sashimis, des salades multicolores, on se retrouve, on s’embrasse, on complote dans un coin, on s’en va, on revient avec des airs mystérieux une heure plus tard.
Pow-vow dans la salle de bains palace de Mathias, avec Mathias, un dénommé Bo-Set (un latino à faire mouiller sans préliminaires), et Nico.
Les choses se mettent en place.
C’est mon premier Happy Birthday de la soirée, il y en aura une demi-douzaine d’autres. Le petit tas se transforme en de longs traits, on me fait les honneurs tandis que nous tentons d’élaborer un énième top 5 des mecs les plus sexy. Je me sens, comme d’habitude, plus proche de Mathias. Nico aime les crevettes (Mathias n’en est pourtant pas une), sa préférence va aux chanteurs pop, des silhouettes très minces, limite maladives, des visages doux (Tony Leung version Happy Together) alors que Mathias irait plutôt vers (outre Bo-Set, ce soir en tout cas, c’est très clair), Chow Yun Fat ou George Clooney, tandis que Bo-Set ne voit d’inconvénient ni aux uns ni aux autres pourvu que – je cite – «le regard soit suffisamment putassier et le panier pourvu». On en oublierait presque qu’une soirée se déroule dans la pièce à côté. La dope vient directement de Colombie via les entrailles d’un mignon de Bo-Set (merci pour la précision).
De l’autre côté de la porte, on ne s’y reconnaît plus. La population s’est multipliée par trois ou quatre, toujours essentiellement des hommes, toujours parmi les plus beaux de cette rive-ci. Je reconnais Tarek, un performer de chez Colette, et Steamboy venu en guest avec ses disques. Nous ne pensions pas rester là avec Nico – surtout que, pour ma part, quand bien même je me trouve un chevalier servant, il risque de se transformer en Cendrillon dans deux minutes et disparaître au bras du premier venu l’instant d’après. Mais l’ambiance monte, le son est excellent.
Nico serre de très près un jeune Anglais, et il disparaît bientôt avec un clin d’œil à mon attention. De mon côté, je plaisante avec Fatsie, une drag-queen tout en rondeur, débordante de bons mots sous ses postiches (cheveux en choucroute, double rangée de faux cils et renfort mammaire). Et quand Nico revient, je ne me suis pas rendue compte que la nuit est déjà bien avancée.
Un passage à la salle de bains plus tard, nous voici donc en route (Nico et son British, Bo-Set, et Mathias qui abandonne la soirée à Mama) pour le VIP. L’ambiance entre les garçons est électrique et bilingue, tissée de sous-entendus sexuels et de pointes d’aigreur jalouse. Nico et Mathias sont spécialistes des plans à quatre, nous sommes dans la phase before – durant laquelle ils s’excitent chacun de leur côté, se cherchent mutuellement, se testent. Les choses devraient se décanter en boîte.
Nous arrivons à la bonne heure, une file d’une cinquantaine de personnes qui peuvent toujours rêver, Mathias accueilli par Jean Roch soi-même, une ambiance au top, des VIP – un rappeur, m’a-t-on dit, en tout cas superbeau malgré l’accoutrement, un designer new-yorkais, des AP haute couture (c’est de saison) suivant à la traîne leur mentor – et nous, maîtres du monde, chauds et sûrs de nous, incroyablement en adéquation avec notre nouvel environnement.
La soirée se termine, en ce qui me concerne, avec deux types encore plus perchés que moi, nous nous sommes frottés un moment, mais eux comme moi avons passé le cap, nos capteurs sensoriels déjà au repos. Mes quatre camarades ont pris la tangente pour un grand hôtel quelconque d’où ils ne décolleront pas avant – hum ! maintenant, si je m’en réfère à l’heure. Finalement, toujours avec mes deux perchés, un brunch au Man Ray (l’un des deux passe en fait son heure aux toilettes pendant que l’autre m’expose des théories sur la vente d’art moderne qui pourraient aussi bien être un extrait en letton d’un manuel de moteur d’avion – je compte jusqu’à cent, je m’emmêle à la cinquantaine, je recommence).
Ce n’est qu’en me roulant un joint avant d’aller me coucher que j’ai vu ma solitude dans le miroir au-dessus de la cheminée. Et que pour la première fois en quatre ans, je ne m’y suis pas reconnue.

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