samedi

26/02/2003

Dans la nuit, je travaille pour la société de Batman. J’aime mon emploi, qui est secret. Du haut de l’immeuble, je regarde la ville, la nuit, les hauts immeubles tachetés de lumière, les promesses de vie. Et les rouages que nous entretenons car c’est ce que nous devons faire. Nous sommes nombreux, des fourmis, chacun à son poste, et pourtant, triés sur le volet pour une fonction précise. La mienne est d’ouvrir les portes à Batman, le moment venu, de lui permettre d’accéder au vaste monde. C’est une noble tâche que je remplis avec une sorte de sagesse, consciente de ma chance.

Ce matin, dans l’ascenseur, Cyril avec un cadre administratif. Bonjour-bonjour, mais il y a autre chose – ou sont-ce encore mes interprétations de midinette. J’en profite pour le regarder de près, sans gêne. J’en ai marre de la gêne. Mon rêve était beau parce qu’il n’y avait pas de ces sentiments de frustration qui teintent nos journées.
Cyril est plaisant, élégant comme tous ces mecs qui gagnent des pacsons, ont toujours eu une mère, une femme, une bonne pour leur repasser leur chemise et leur nouer leur cravate. Il a la légèreté et le sarcasme de ceux à qui la vie appartient, qui évoluent convaincus de leur supériorité. Des gagnants, disait-on dans les années quatre-vingt. En fait, de banals rejetons de bonnes familles (je me compte dans le lot), à qui rien de grave n’est arrivé et n’arrivera jamais, dans une impitoyable logique qui assure au monde une inégalité éternelle.
Ceci dit, il a quelque chose de plus. Son sarcasme. Sa désinvolture naturelle, à la fois distant et attachant. Envoûtant, même, si je m’en réfère à des instants communs.
Envoûtant, oui. (Pour être honnête, il me fait complètement craquer.)
Plus encore quand, sortant de l’ascenseur, il me flatte la raie d’une main très appuyée.

Une journée qui commence au service de Batman et se poursuit par une petite mouillette: ten points for me.

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