14H50
OK, j’ai dérogé, je suis entrée dans l’interdit, j’ai rappelé l’Américain.
Impossible de passer ce samedi soir seule.
Impossible de passer ce samedi soir avec un casse-machins. Le chargé d’affaires du nouvel an, il fallait que je sois super perchée. Le temps d’un verre et je vomirais.
J’aime bien les Américains, leur côté puritain. Et celui-ci, en plus, est scientifique. Il rougit pour un rien, ne sait plus, gauche comme un ado. Alors j’en rajoute. J’avais mis ma tenue achetée pour le réveillon – boxer rosé et caraco assorti, sans soutien-gorge, il va de soi – simple mais efficace. D’abord un verre au bar de son hôtel, et moi qui ai envie de faire la conversation comme d’avaler un sceau de flageolets. Alors je fais oui, oui (s’il y a une chose que je fais parfaitement, c’est oui, oui), et à chaque fois que je croise une jambe sur l’autre, sur ce tabouret de bar, ma jupe remonte un peu plus haut. Il met du temps, mais une fois harponné, il a du mal à se contenir. Et là, je pense : Peut-être que j’ai des a priori. Après tout, c’est le genre de mec qui ne m’emmerderait pas, je trouverais du travail dans un mag américain – ou ailleurs, la plupart du temps, il serait dans ses bouquins et il ne souffrirait pas de mes à-côtés. C’est la chaleur, je crois, et le deuxième Southern Comfort.
Nous marchons sur Rivoli, petites rues des Halles, je le flatte, il m’embrasse, je le caresse, la french touch, il bande illico, gémit. Nous reprenons notre balade, il dit que je dois venir le voir chez lui, qu’il me présentera à… Là je décroche. Il est temps de passer à autre chose avant que ça dégénère. Un couple compose un code, disparaît, je retiens la porte, je dis come with me. Veuillez vous essuyer les pieds, dit une plaque en émail. La porte se ferme derrière nous, le rire de la femme s’envole dans les étages. La langue de mon Américain fouille ma bouche, ses mains sous mes dessous. Je la lui sors, elle est dure, je n’ai pas le temps de la sucer, mon boxer à mes pieds, le cul à peine protégé par mon manteau du froid du mur, il a vite fait d’enfiler son bout de plastique, il me prend, grogne, il n’est plus timide, il me baise comme il n’a jamais baisé. Demain il pensera que je suis la femme de sa vie, qu’il doit me ramener dans ses bagages. Il dit : you bitch et je me mords les lèvres pour ne pas crier.
Je dis: Call me tomorrow, le temps qu’il se souvienne qu’il n’a pas mon numéro, je suis déjà dans un taxi.
18H43
347 culottes. Ça m’a fait redescendre en ligne droite.
Et moi, combien ça m’en ferait de slips et de caleçons.
J’ai eu envie de me vomir.
Ma première fois, j’avais 17 ans, et Laure a été ma seule et unique confidente. Elle m’en voulait un peu parce que j’avais passé le cap et pas elle. Ses parents la vissaient, elle était bien plus dévergondée que moi. Elle m’a vite rejointe, et dépassée. Elle s’envoyait en l’air avec les frères B. (21 et 23 ans), et bien sûr, un jour, ils lui ont demandé si ça me dirait pas de me joindre à eux. De là ont démarré nos aventures érotiques. Laure faisait le mur, et quand elle se faisait prendre, elle se retrouvait bouclée à la cave. De sorte que dès qu’elle voyait le jour, elle n’avait qu’une envie, en profiter. Pour autant, elle n’était pas idiote et faisait cela en dehors du lycée. C’était pas compliqué, il suffisait d’aller traîner dans les bars étudiants aux alentours de Sorbonne. Ou mieux, Jussieu. A cinq stations du bahut.
Bientôt on s’est retrouvées dans des fêtes pas possibles avec des drogues à gogo. On baisait tout ce qui nous passait par la tête, on était les reines.
Du jour au lendemain, Laure a disparu. Déménagé, m’a dit la concierge. Père muté en Italie. J’ai reçu une lettre, six mois plus tard. Elle y disait qu’elle avait rencontré une bande géniale, qu’elle envisageait de faire une école de cirque, elle voulait partir sur les routes. Elle m’invitait à une fête, ses parents retournaient pour une semaine en France et elle entendait profiter de la maison avec piscine pour «l’orgie of the year».
Bien sûr j’y suis pas allée. Et bien sûr j’ai plus eu de nouvelles. Pas plus que j’en ai donné.
23h42
Pour la semaine à venir:
- inviter Aurélie à déjeuner;
- parapharmacie (baume à lèvres, coton, démaquillant, capotes);
- prendre rdv chez l’esthet;
- tél à Nico (le faire ce coup-ci);
- Soldes: Thomas Pink, Esprit, La Perla et même Chantal Thomass.
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