samedi

Plus tard…

Entre sommeil et joint du matin, des souvenirs et d’amers constats : nos premières soirées avec Laure (cf. cahier 9) sont comme un épisode de La Petite Maison dans la prairie une après-midi d’hiver : chaleureuses, amusantes, espiègles. Nous sommes unies pour les siècles, les siècles. Nous ne nous jurons rien, ne nous prêtons pas de serment. Mais quel besoin quand on suce les mêmes queues, jouit des mêmes mecs et nous écroulons dans les mêmes lits. Dans certains cafés autour de certaines facs, il y en avait pour nous appeler «les sœurs salopes». Nous n’avions que l’embarras du choix, des invitations à ne plus savoir qu’en faire, et, étonnamment, pas forcément orientées culs. Les mecs nous aimaient parce que nous ne faisions pas d’histoire. Dans une ambiance plutôt morose de choix de cursus, de première guerre du Golfe et de post-années 80, nous vivions notre jeunesse dans le grand luxe de l’insouciance.
Rien n’a jamais remplacé cette époque. Quoi que le sentiment de vide est venu bien plus tard. Les plis étaient déjà pris, ils se refermeraient sur moi le moment venu – j’en suis encore convaincue.
Laure disparue, j’ai erré sans peine ni douleur, éprouvant ma solitude comme une sorte de force, détentrice d’un pouvoir qui me plaçait à un autre niveau sur l’échelle humaine – un niveau supérieur, croyais-je.
C’est alors que j’ai rencontré Lex.
Questions:
- Les constats sont-ils toujours amers?
- Le vide est-il un sentiment commun à l’ensemble de l’humanité – ce qui expliquerait cette énergie dépensée à toujours chercher à se dépasser pour rien (dieu/dieux, l’art, l’amour)?

Les Russes dans toute leur horreur. Le ton monte en deux secondes trente, thanks god, les fenêtres sont fermées, mais ça hurle là-dedans, des portes qui claquent, des bris de verre, des pleurs.
Un Uzi, vite.

C’est vrai, il n’y a pas que le sexe et la déprime dans la vie… Il y a les fringues. La sape. Les escarpins à talons qu’on essaie juste pour faire tomber la face de toutes les minettes aux alentours. Et je tourne et je vire sur les douze centimètres, même la vendeuse me regarde en bavant devant mon aisance. Ma jupe est courte, j’en rajoute un peu quand je me rends compte qu’une fille à béret genre école de commerce, vient de faire une réflexion à son mec (moche comme un pou, but who cares), je me penche en avant, pour saisir une chaussure, cul bombé, je m’assois négligemment, jambes écartées. La patronne des vendeuses est gênée, elle aimerait me dire quelque chose mais les pompes valent quand même un quart de son salaire alors ta gueule, morue. La scène se déroulant sous l’œil complice de Laure qui, si elle n’a pas retrouvé toute son impertinence, apprécie à sa juste valeur un peu de provoc.
Bien sûr je n’achète pas ces chaussures – bien trop vulgaires, vous me prenez pour qui? Et nous assistons pliées en deux de rire depuis l’autre trottoir à l’engueulade du siècle entre miss Sois-Cadre-et-Tais-Toi et son acolyte. No sex this week. Le pauvre…
Achats du jour:
- Lunettes de soleil Emmanuel Kahn (je serai la plus belle pour aller me baigner);
- Bas autofixants Dim (lot de trois) ; bas Chantal Thomass satin;
- Benabar, Delerm, Katerine;
- Superstars d’Ann Scott, et Baise-moi de Despentes (un pour moi, un pour Laure; c’est la 3e fois que je l’achète pour cause de prêt éternel).
Et aussi dans un sex-shop new age du côté de la place d’Italie, Toyz X Story.
Dîner tranquille chez Laure. Dire que ses amis m’ennuient est un euphémisme mais ses gamins valent le coup, ils sont dégourdis et ont l’intelligence sociale bien développée. Ils observent et s’adaptent.
Pour ma part, j’aurais volontiers fait un peu de rentre dedans comme au magasin de chaussures, mais Laure ne mérite pas ça. Pas en ce moment. Elle remonte, lentement, est moins amoureuse de son psy, ne pleure presque plus (en tout cas en ma présence), et n’envisage plus de devenir bénévole «pour servir à quelque chose». Elle voit même sa situation sous un angle plus favorable: aisance financière, célibat dans le plus bel âge de la femme, et deux enfants adorables pour les racines et n’avoir rien à regretter. Not bad!
J’évite de mettre sa situation et la mienne dans la balance, mais c’est pas facile. Dans ces moments, je la hais.
Dans le taxi, le chauffeur fume sa Gitane en conduisant. Il braille dans son téléphone que oui, il viendra mais qu’il ne faut pas compter sur lui pour le barbecue.
Un barbecue au mois de février?
Il explique: c’est la deuxième fois que ce pote avec qui il parlait se marie. Il est témoin, il n’a pas le choix, il devra y aller. Mais le barbecue, non, il refuse d’y rester. Moi: «C’est pas commun des grillades sous la neige pour un mariage.» Explications: son pote est un radin confirmé qui a récupéré la robe de sa première femme pour la seconde et détourne saucisses et merguez depuis des mois dans la cuisine indus où il bosse.
Les amis de mes chauffeurs de taxi ne sont pas mes amis.

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