Premier jour de bouclage. Au ralenti. Echange de regards avec Aurélie, elle est dans le même état que moi : incapable de reprendre le train de la réalité, le rythme de la vie quotidienne. Y a dû y avoir du grabuge entre elles, si j’en juge à la tête de Carole, ce matin, en conf. Le minimum, aboyé après un minimum de vœux. Et pas un regard pour Aurélie. Si elle savait, la Carole… (mais peut-être qu’elle sait, justement)
Hier, déjeuner avec maman et Pierre. Pierre est endurant. En plus du jet-lag de son boulot, il trouve encore du temps pour aller avec maman à des émissions de radio et de télé, des one-man-show, et des spectacles de Hossein, ou quoi que ce soit qui puisse l’occuper. En fait, il l’encourage à s’occuper. Peut-être a-t-il compris que si elle glissait dans l’oisiveté, il trinquerait encore plus.
Chloé, verre post-dîner au Buddha – ce qui me permet d’éviter de bouffer des algues (même les sushis, elle ne veut plus en entendre parler). Elle pose une enveloppe sur la table, montre d’un regard les toilettes. Un petit trait vite tapé, et bienvenu : je n’avais pas envie de voir Chloé ce soir, pas envie de subir son débit, ses coq à l’âne, ses anecdotes haute sphère. Elle ne peut pas créer de poste en rédaction pour le moment, mais je pourrais commencer à piger, disons, au printemps. «Bon, sous un pseudo, tu comprends, je ne veux pas d’ennuis avec Carole.» Je comprends. «Et, disons, à la rentrée, tu t’installes dans ton nouveau bureau, à trois portes de moi. » D’accord Chloé. «T’es pas superenthousiaste pour une futur rédactrice de Fashion.» Ça fait combien de temps que tu me dis que tu vas me faire bosser?
Bon, d’accord, je ne suis pas superenthousiaste. A tout le moins, je pourrais y mettre un peu du mien. Ne serait-ce que pour les 5% de chances que ça arrive.
(Aller 10%).
Un joli chauffeur de taxi, pas plus de vingt-cinq ans, conduite souple, musique soft, pas un mot de trop.
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