samedi

10/02/2003

Laure, la petite adolescente martyre, bouclée par ses parents, promise à une existence de bourgeoise de bonne famille, a finalement toutes les cartes en main. Plus belle que jamais avec sa longue chevelure brune à la Carole Bouquet, ses hautes pommettes, et son maintien de reine, elle a désormais un corps de femme tout en rondeurs délicates et appétissantes, une distinction à figer sur place la circulation des Champs-Elysées, et la vie devant elle. L’histoire d’amour, elle l’a bue jusqu’à la lie – en l’occurrence deux bambins qui l’adorent, et seront une excellente assurance morale vieillesse.
C’est le moment où je me regarde dans un des miroirs de ce putain d’appart, en me promettant de tous les décrocher. Et qu’y vois-je ? Une étrangère, une fille aux cheveux courts (une femme plutôt, mademoiselle étant devenue une flatterie depuis déjà quelques années) pas vraiment vieille, mais, sans maquillage, plus jeune du tout, le regard vide et le soutien-gorge plein d’une générosité inutile distribuée sans véritable plaisir – quels sont donc ces moments qui n’existent plus une fois qu’on en est sortis ? Un corps, en fait, la seule facilité qui m’ait été accordée, fonctionnant sans entretien particulier (no diet no lipo no sport), résistant à tous les excès, un corps imperméable, dirait-on, à la vie. Pourtant, ironie du sort, c’est moi qui ramasse Laure, moi encore qui essuie ses larmes, profère des encouragements, fais le clown et joue les filles libérées. Alors qu’elle est attendue, je rentre dans ma taupinière, mon cendrier, avec, pour seule compagnie, ma propre image furtive de miroir en miroir, et un énième message de ma mère, boudeuse que je ne lui aie pas répondu sur mon portable.
Voilà ce qui arrive si je mets dans la balance la situation de Laure et la mienne.
Voilà pourquoi dans ces moments, je la hais.

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