samedi

18/01/2003

17h00
Une femme grosse qui rhabille son petit saucisson de gamin au milieu du trottoir, bloquant le passage dans les deux sens sans la moindre gêne.
Ceci me rappelant une frasque du Nico de la grande époque quand Paris était à nos pieds (du moins le croyions nous, et c’était là tout ce qui comptait – cf. cahier 16 pour la version originale). Un cocktail au musée d’Orsay, organisé par Ma’ame Chirac – à l’époque, pour une cause quelconque. Il y a là des princesses, une de Jordanie, une d’un lointain archipel au nom imprononçable, des femmes de, des artistes à la solde de l’Etat, et nous – Nico, deux de ses fans de l’époque, moi.
On déchire les petits fours, on se fait une bataille de mini-gâteaux discrètement d’abord, des traits aux toilettes (cf. la tête des deux blondinettes qui se recoiffaient quand on est sortis tous les quatre d’une cabine) et quand y a plus rien à boire, on se barre. Sur le chemin du métro, sur un de ces trottoirs larges comme mes hanches, une petite Américaine en jogging tellement difforme qu’on dirait un pouf de salon Adidas, ne trouve pas son hôtel. Grommelle sur les Français, est totale upset, au téléphone avec sa mère (ou : une copine, son binôme pouf de salon). On propose de l’aide, on fait des signes, bon d’accord, alors peut-être on peut passer : sans réaction. Nico nous fait signe de reculer. Il prend son élan, court quelques foulées avant de balancer son 44 au cul de la dame. Qui en lâche son téléphone. Qui glisse dans le caniveau. Sous la roue d’une voiture. Vole en éclats.
Comme notre rire aux fans de Nico et à moi.

J’adore cette histoire.

Déjeuner avec Laure, en forme, puis shopping.
Laure amoureuse de son psy. Juste pour pouvoir penser à quelqu'un avant de s’endormir. Je l’avais accompagnée chez un gynéco suite à une party décadente, et elle n’avait rien trouvé de mieux que de lui faire des avances. Il nous avait fichues dehors avec pertes et fracas. Le plus drôle, c’est que nous étions dans son quartier de serre-têtes en velours, de duffle-coats bleu marine et de jupes plissées (je ne savais pas que ce genre de fringues se portaient, en vrai). La secrétaire et les mémères en attente, se cramponnaient à leur Longchamp, jaunes d’effroi. Une de nos plus belles crises de rire, nous sommes nous rappelées après une énième bière, au Vieux Colombier.
Je n’ai pas eu le cœur de lui résister, elle a envie de faire la fête, elle me rejoint plus tard pour la soirée au Gipi, la boîte semi-privée de Mathias. De toute façon ce sera fun mais gay – je ne me voyais pas l’embarquer dans un plan cul.

Plan provoque à Goethe, de quoi lui faire regretter de me garder pour le digestif.

Dans les soirées gay, on peut oser au niveau de l’habillé déshabillé. Un très bon sujet dans – je ne sais plus, Marie-Claire ? Glamour ? Numéro ? – et donc, ce soir, guêpière sous chemisier transparent, gel pailleté, bas opaques.

L’un des torts de Laure, à mon avis, c’est qu’elle a voulu changer du tout au tout en se mariant. Considérant qu’il y avait un avant et un après. Une vie de patachon qu’il fallait clore, et une vie maritale, sacrée, normée, à laquelle il fallait se convertir – sa scolarité chez les sœurs doit y être pour quelque chose. Alors que si elle avait joué carte sur table depuis le début au lieu de faire la jeune fille de bonne famille (son mari ne sait rien de nos frasques), sa vie aurait été différente.
Oui, a-t-elle admis et elle s’est tue.
Le silence s’est prolongé, et avec lui des lambeaux de regrets ont bientôt flotté autour de nous.
J’avais mis carte sur table avec Lex, ou plutôt, je n’avais pas eu à le faire vu qu’on s’est rencontrés, revus, fréquentés à des soirées cul. Je l’avais repéré parce qu’il était fumeur et qu’en plus, il ne fumait que du bon. On le voyait toujours à un moment de la soirée, accoudé à une fenêtre, en retrait, ou sur un balcon, dans un nuage d’afghan, d’orangebud ou de purple. Fumée bien plus fraternelle que n’importe lequel des coïts que nous avions pu échanger.
Nous n’avons même pas remis en cause nos pratiques sexuelles quand nous nous sommes installés ensemble. Il allait de soi que chacun venait avec son bagage d’habitudes. Dans un sens, nous vivions comme des colocataires. J’ai souffert, bien sûr, de le sentir disparaître dans d’autres relations. C’était comme ça, un jeu qu’on envisageait sans lendemain, un couple sans réelle existence que le moment présent, l’illusion d’être jeune pour toujours. Eternelle histoire.

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