Laure a attendu que ses mômes soient couchés et que j’aie roulé un joint pour évoquer l’éventualité d’un départ vers l’Australie. Nous sommes sur son canapé, côte à côte, nous ne nous regardons pas. Il y a peu de lumière, juste la petite lampe jaune, derrière une enceinte, et le plafonnier du couloir.
«Ma sœur a une cabane dans son jardin, continue-t-elle. Toute refaite, indépendante.» Dans un premier temps, elle laisserait les enfants à leur père, «la mort dans l’âme, mais ça me bougera ». Il est d’accord, il s’en fout, il gagne encore plus qu’à l’époque où ils étaient ensemble, il s’est trouvé une fille jeune et docile qui fait la plante d’appartement à la perfection et sera ravie d’un rôle de baby-sitter.
Les pièces s’assemblent et je comprends au deuxième pétard que Laure a réfléchi chaque chose jusqu’à sa maturité. Mieux : elle a passé les coups de fil, fait les démarches auprès des ambassades, des administrations, s’est confrontée à sa bonne conscience. Elle change de vie, là, sous mes yeux. Elle s’en va à l’autre bout du monde, pour longtemps.
La dernière soirée avant qu’elle parte, à l’époque, avec ses parents en Italie, nous l’avions passée dans notre bar habituel, rue de Linné. Puis chez un Laurent ou Florent, un gay qui bougeait beaucoup en soirée et avait toujours un plan si on en manquait. On avait fini dans une fête homo, à ouvrir des canettes dans la cuisine avec un type très fier de son pull vert pomme. On s’était quittées comme si elle partait pour une semaine.
A cette époque, on ne s’embarrassait pas.
A cette époque, les cœurs brisés se réparaient en moins de deux.
A cette époque, les amitiés étaient éternelles.
Je pourrais remplir un carnet, une feuille pour chaque bâton, un bâton pour chaque disparu : la bande du CFJ (Chloé comprise – ne reste qu’Audrey), Cora et Sabrina, les copines de mon premier boulot à Courrier, Philou, le pote technicien avec qui je faisais les 400 coups quand je bossais à Radio France. Et puis Lex, Nico, Matthias, Lucie dans le ciel, Corane, Chic ( ?). Et maintenant Laure qui s’envole pour les antipodes. Chaque année semble apporter sa pierre supplémentaire au mur qui nous isolera tous, finalement, les uns des autres.
Mal aux dents.
Ted: Why don’t you stop eating those gummy things?
Bill: That is a good idea.
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